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中法对照:A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 追忆似水年华(5)
送交者: wangguotong[★★★声望勋衔13★★★] 于 2024-03-28 1:14 已读 3593 次 2 赞  

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中法对照:A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 追忆似水年华5

作者:Marcel Proust   马塞尔-普鲁斯特

编辑整理:WANGGUOTONG

Première Partie第一部

COMBRAY(1)

第一卷 贡布雷(1)

 

    Pourtant un jour que ma grand’mère était allée demander un service à une dame qu’elle avait connue au Sacré-Cœur (et avec laquelle, à cause de notre conception des castes, elle n’avait pas voulu rester en relations malgré une sympathie réciproque), la marquise de Villeparisis, de la célèbre famille de Bouillon, celle-ci lui avait dit : « Je crois que vous connaissez beaucoup M. Swann qui est un grand ami de mes neveux des Laumes. » Ma grand’mère était revenue de sa visite enthousiasmée par la maison qui donnait sur des jardins et où Mme de Villeparisis lui conseillait de louer, et aussi par un giletier et sa fille, qui avaient leur boutique dans la cour et chez qui elle était entrée demander qu’on fît un point à sa jupe qu’elle avait déchirée dans l’escalier. Ma grand’mère avait trouvé ces gens parfaits, elle déclarait que la petite était une perle et que le giletier était l’homme le plus distingué, le mieux qu’elle eût jamais vu. Car pour elle, la distinction était quelque chose d’absolument indépendant du rang social. Elle s’extasiait sur une réponse que le giletier lui avait faite, disant à maman : « Sévigné n’aurait pas mieux dit ! » et, en revanche, d’un neveu de Mme de Villeparisis qu’elle avait rencontré chez elle : « Ah ! ma fille, comme il est commun ! »

然而,有一天我的外祖母有事去求一位她以前在圣心教堂认识的太太帮忙(由于我们的门第观念,我的外祖母后来不愿意再同她来往了,尽管她们彼此都觉得很相投),出名的望族布永伯爵家的女儿维尔巴里西斯侯爵夫人对我的外祖母说:我想您同斯万先生很熟吧?他是家的侄儿洛姆亲王家的好朋友。那天我的外祖母回家时心情很兴奋。她对维尔巴里西斯侯爵夫人劝她租一套房间住住的那幢门前有悦目园景的大楼赞不绝口,对在大楼院子里开铺子揽活儿的织补匠父女俩尤其满意。她有一条裙子在楼梯上挂破了,求织补匠修补。她说织补匠的女儿简直象颗珍珠,而那位父亲则是她生平所见到的最高雅、最无可挑剔的人,在我的外祖母的心目中,高雅同社会地位绝对无关。她最赏识织补匠的答话,她跟我的妈妈说:塞维尼都说不到那样高雅得体!相反,当她说到她在维尔巴里西斯夫人家遇到的那位侯爵夫人的侄子时,她的评语却是:啊,我的孩子,那人太平庸了!”——

 

Or le propos relatif à Swann avait eu pour effet, non pas de relever celui-ci dans l’esprit de ma grand’tante, mais d’y abaisser Mme de Villeparisis. Il semblait que la considération que, sur la foi de ma grand’mère, nous accordions à Mme de Villeparisis, lui créât un devoir de ne rien faire qui l’en rendît moins digne et auquel elle avait manqué en apprenant l’existence de Swann, en permettant à des parents à elle de le fréquenter. « Comment ! elle connaît Swann ? Pour une personne que tu prétendais parente du maréchal de Mac-Mahon ! » Cette opinion de mes parents sur les relations de Swann leur parut ensuite confirmée par son mariage avec une femme de la pire société, presque une cocotte que, d’ailleurs, il ne chercha jamais à présenter, continuant à venir seul chez nous, quoique de moins en moins, mais d’après laquelle ils crurent pouvoir juger — supposant que c’était là qu’il l’avait prise — le milieu, inconnu d’eux, qu’il fréquentait habituellement.    

至于侯爵夫人关于斯万的那席话,其效果非但不能抬高斯万在我的外祖母的心目中的身价,反倒使侯爵夫人降低了身分。我们根据外祖母的信仰,在给予维尔巴里西斯夫人的评价中,为她定下一项义务:她不得做出违背身分的事情;而她居然认识斯万其人,甚至允许自己的侄子同他交往,这是有失体统的行为。什么!她认识斯万?你不是说她同麦克——马洪元帅还沾点亲吗,她怎么能这样?我的长辈们对于斯万的社交活动抱有的这种看法,后来更因他同声名狼藉的社交圈内的一位女子结婚而得到进一步的确定。那女子差不多是交际花一类的人物,斯万倒从没有打算把她介绍给我们认识。结婚之后他依然单独来我们家作客,只是来得不那么勤了。我的长辈们认为,仅就那位女子的地位而论,便足以推想斯万通常在什么圈子里鬼混;他们对那个圈子的内情并不知晓,但估计斯万是在那里遇到她的,后来又同她结婚。

 

Mais une fois, mon grand-père lut dans son journal que M. Swann était un des plus fidèles habitués des déjeuners du dimanche chez le duc de X…, dont le père et l’oncle avaient été les hommes d’État les plus en vue du règne de Louis-Philippe. Or mon grand-père était curieux de tous les petits faits qui pouvaient l’aider à entrer par la pensée dans la vie privée d’hommes comme Molé, comme le duc Pasquier, comme le duc de Broglie. Il fut enchanté d’apprendre que Swann fréquentait des gens qui les avaient connus. Ma grand’tante au contraire interpréta cette nouvelle dans un sens défavorable à Swann : quelqu’un qui choisissait ses fréquentations en dehors de la caste où il était né, en dehors de sa « classe » sociale, subissait à ses yeux un fâcheux déclassement. Il lui semblait qu’on renonçât d’un coup au fruit de toutes les belles relations avec des gens bien posés, qu’avaient honorablement entretenues et engrangées pour leurs enfants les familles prévoyantes (ma grand’tante avait même cessé de voir le fils d’un notaire de nos amis parce qu’il avait épousé une altesse et était par là descendu pour elle du rang respecté de fils de notaire à celui d’un de ces aventuriers anciens valets de chambre ou garçons d’écurie, pour qui on raconte que les reines eurent parfois des bontés). Elle blâma le projet qu’avait mon grand-père d’interroger Swann, le soir prochain où il devait venir dîner, sur ces amis que nous lui découvrions. D’autre part les deux sœurs de ma grand’mère, vieilles filles qui avaient sa noble nature, mais non son esprit, déclarèrent ne pas comprendre le plaisir que leur beau-frère pouvait trouver à parler de niaiseries pareilles. C’étaient des personnes d’aspirations élevées et qui à cause de cela même étaient incapables de s’intéresser à ce qu’on appelle un potin, eût-il même un intérêt historique, et d’une façon générale à tout ce qui ne se rattachait pas directement à un objet esthétique ou vertueux. Le désintéressement de leur pensée était tel, à l’égard de tout ce qui, de près ou de loin, semblait se rattacher à la vie mondaine, que leur sens auditif — ayant fini par comprendre son inutilité momentanée dès qu’à dîner la conversation prenait un ton frivole ou seulement terre à terre sans que ces deux vieilles demoiselles aient pu la ramener aux sujets qui leur étaient chers, — mettait alors au repos ses organes récepteurs et leur laissait subir un véritable commencement d’atrophie. Si alors mon grand-père avait besoin d’attirer l’attention des deux sœurs, il fallait qu’il eût recours à ces avertissements physiques dont usent les médecins aliénistes à l’égard de certains maniaques de la distraction : coups frappés à plusieurs reprises sur un verre avec la lame d’un couteau, coïncidant avec une brusque interpellation de la voix et du regard, moyens violents que ces psychiatres transportent souvent dans les rapports courants avec des gens bien portants, soit par habitude professionnelle, soit qu’ils croient tout le monde un peu fou.

但是,有一次我的外祖父从报上得知斯万先生是某某公爵家星期午餐席上忠实的常客。那位公爵的父亲和叔叔都是路易-菲利浦当政时显赫的国务要员。外祖父一向对小道消息很有兴趣,因为那些细枝末节能使他的思想潜入莫莱、巴斯基埃公爵和布洛伊公爵等人的私生活中去。他得知斯万同那些国务要员的熟人经常来往,不免喜出望外。我的姨祖母却相反,她对那条新闻的解释于斯万极为不利;凡是在自己出身的种姓之外,在自己的社会阶层之外另行选择交往对象的人,在她的心目中都等于乱了尊卑的名分,是很讨厌的。她认为,这是贸然放弃长辈们辛苦建立的实惠;有远见的家长们总为自己的儿孙体面地奠定下亲朋关系的基石,让他们日后坐享同牢靠的人亲密交往的成果,岂可轻率地掷置不顾(我的姨祖母甚至不再接见我们家的一位公证人朋友的儿子,因为他同一位亲王家的小姐结了婚,我的姨祖母认为,等于就此由受人尊敬的公证人儿子的身分,下降到据说有时会受到后妃们青睐的冒险家、贴身侍从或马夫之流的卑贱地位)。我的外祖父本打算在第二天晚上乘斯万来吃晚饭的时候,向他打听那几位要人的情况,因为我们新近发现原来他们都是他的朋友。姨祖母狠狠地批评了他的这种打算。另外,外祖母的两位妹妹——这是两位虽具备外祖母的高尚品性却不具备她那份聪明才智的老小姐——也毫不含糊地宣称,姐夫居然有兴致涉及这类无聊的话题,她们万万不能苟同。她们都是洁身自好的人,而且正因为如此,所以决不能对飞短流长的闲话感兴趣;即使具有历史意义的传闻,她们也从不过问;一般地说,凡是同审美与操行无直接关系的话题,她们从不答腔。对于直接或间接涉及到世俗生活的一切谈论,她们打心眼儿里不感兴趣。只要饭桌上出现轻薄的谈吐,或者仅仅是实惠的话题,而两位老小姐又无法把话题引回到她们所热衷的内容上来,她们就干脆暂停听觉器官的接受功能,让它处于开始衰竭的境地。那时,如果我的外祖父必须引起两位小姨的注意,就得求助精神病医生对付精神分散的患者所采用的物理刺激法:用刀刃连击玻璃杯的同时,大喝一声并狠狠瞪上一眼。精神病大夫往往在日常交往中也使用这类粗暴的方法来对付身心完全健康的人,也许是由于职业养成的习惯,也许他们把人们都看作有点疯病。

 

Elles furent plus intéressées quand la veille du jour où Swann devait venir dîner, et leur avait personnellement envoyé une caisse de vin d’Asti, ma tante, tenant un numéro du Figaro où à côté du nom d’un tableau qui était à une Exposition de Corot, il y avait ces mots : « de la collection de M. Charles Swann », nous dit : « Vous avez vu que Swann a « les honneurs » du Figaro ? » — « Mais je vous ai toujours dit qu’il avait beaucoup de goût », dit ma grand’mère. — « Naturellement toi, du moment qu’il s’agit d’être d’un autre avis que nous », répondit ma grand’tante qui, sachant que ma grand’mère n’était jamais du même avis qu’elle, et n’étant bien sûre que ce fût à elle-même que nous donnions toujours raison, voulait nous arracher une condamnation en bloc des opinions de ma grand’mère contre lesquelles elle tâchait de nous solidariser de force avec les siennes. Mais nous restâmes silencieux. Les sœurs de ma grand’mère ayant manifesté l’intention de parler à Swann de ce mot du Figaro, ma grand’tante le leur déconseilla. Chaque fois qu’elle voyait aux autres un avantage si petit fût-il qu’elle n’avait pas, elle se persuadait que c’était non un avantage, mais un mal, et elle les plaignait pour ne pas avoir à les envier. « Je crois que vous ne lui feriez pas plaisir ; moi je sais bien que cela me serait très désagréable de voir mon nom imprimé tout vif comme cela dans le journal, et je ne serais pas flattée du tout qu’on m’en parlât. » Elle ne s’entêta pas d’ailleurs à persuader les sœurs de ma grand’mère ; car celles-ci par horreur de la vulgarité poussaient si loin l’art de dissimuler sous des périphrases ingénieuses une allusion personnelle, qu’elle passait souvent inaperçue de celui même à qui elle s’adressait. Quant à ma mère, elle ne pensait qu’à tâcher d’obtenir de mon père qu’il consentît à parler à Swann non de sa femme, mais de sa fille qu’il adorait et à cause de laquelle, disait-on, il avait fini par faire ce mariage. « Tu pourrais ne lui dire qu’un mot, lui demander comment elle va. Cela doit être si cruel pour lui. » Mais mon père se fâchait : « Mais non ! tu as des idées absurdes. Ce serait ridicule. »

老太太们也有兴高采烈的时候,譬如说,斯万来我们家吃晚饭的前一天,亲自给她们送来一箱阿斯蒂出产的葡萄酒。我的姨祖母拿着一份登有柯罗画展消息的《费加罗报》,在一件展品名字的旁边,注上了夏尔-斯万先生所藏这几个字样。姨祖母说:你们看到没有?斯万居然露脸,名字登在《费加罗报》上! 我早就跟你说过,他是很有鉴赏力的,外祖母说。你当然了,姨祖母接过话来说,你的看法总跟我们不一样。她知道我的外祖母的看法从来跟她不一致,至于我们会不会赞成她,她并没有十分把握,所以她有意硬拉上我们一起来反对外祖母。她竭力想用自己的见解把我们统统纳入反对外祖母的阵营。但是我们偏偏谁都不接话,我的外祖母的两位妹妹表示要跟斯万提到《费加罗报》上刊登的那句小注,姨祖母劝她们千万免开尊口。每当她发现别人身上有个她所缺少的长处,哪怕微不足道,她也要坚决否定,认为不是长处,而是一个缺点;她不仅不会羡慕人家,反而觉得人家可怜。我认为你们这样做并不会使他高兴;我很清楚,我要是看到自己的名字这样显眼地登在报上,会觉得很扫兴的,倘若有人跟我提到这种事,我决不会沾沾自喜。 不过她倒没有硬要说服我的两位姨祖母,因为她们俩最怕俗气,所以她们在影射到谁的时候,总能把话说得婉转曲折,达到不露痕迹的地步,甚至连当事人都察觉不到。至于我的母亲,她力求我的父亲答应不跟斯万提到他的妻子,而只跟他提到他所钟爱的女儿,因为据说斯万是为了女儿才同他的妻子结婚的。你可以只问一句她好不好就行了,他的生活一定过得很不痛快。可是我的父亲不乐意:我才不呢!你尽胡思乱想。这么说不招人笑话吗?

 

Mais le seul d’entre nous pour qui la venue de Swann devint l’objet d’une préoccupation douloureuse, ce fut moi. C’est que les soirs où des étrangers, ou seulement M. Swann, étaient là, maman ne montait pas dans ma chambre. Je dînais avant tout le monde et je venais ensuite m’asseoir à table, jusqu’à huit heures où il était convenu que je devais monter ; ce baiser précieux et fragile que maman me confiait d’habitude dans mon lit au moment de m’endormir, il me fallait le transporter de la salle à manger dans ma chambre et le garder pendant tout le temps que je me déshabillais, sans que se brisât sa douceur, sans que se répandît et s’évaporât sa vertu volatile, et, justement ces soirs-là où j’aurais eu besoin de le recevoir avec plus de précaution, il fallait que je le prisse, que je le dérobasse brusquement, publiquement, sans même avoir le temps et la liberté d’esprit nécessaires pour porter à ce que je faisais cette attention des maniaques qui s’efforcent de ne pas penser à autre chose pendant qu’ils ferment une porte, pour pouvoir, quand l’incertitude maladive leur revient, lui opposer victorieusement le souvenir du moment où ils l’ont fermée. Nous étions tous au jardin quand retentirent les deux coups hésitants de la clochette. On savait que c’était Swann ; néanmoins tout le monde se regarda d’un air interrogateur et on envoya ma grand’mère en reconnaissance. « Pensez à le remercier intelligiblement de son vin, vous savez qu’il est délicieux et la caisse est énorme », recommanda mon grand-père à ses deux belles-sœurs. « Ne commencez pas à chuchoter, dit ma grand’tante. Comme c’est confortable d’arriver dans une maison où tout le monde parle bas ! » — « Ah ! voilà M. Swann. Nous allons lui demander s’il croit qu’il fera beau demain », dit mon père. Ma mère pensait qu’un mot d’elle effacerait toute la peine que dans notre famille on avait pu faire à Swann depuis son mariage. Elle trouva le moyen de l’emmener un peu à l’écart. Mais je la suivis ; je ne pouvais me décider à la quitter d’un pas en pensant que tout à l’heure il faudrait que je la laisse dans la salle à manger et que je remonte dans ma chambre, sans avoir comme les autres soirs la consolation qu’elle vînt m’embrasser. « Voyons, monsieur Swann, lui dit-elle, parlez-moi un peu de votre fille ; je suis sûre qu’elle a déjà le goût des belles œuvres comme son papa. » — « Mais venez donc vous asseoir avec nous tous sous la véranda », dit mon grand-père en s’approchant. Ma mère fut obligée de s’interrompre, mais elle tira de cette contrainte même une pensée délicate de plus, comme les bons poètes que la tyrannie de la rime force à trouver leurs plus grandes beautés : « Nous reparlerons d’elle quand nous serons tous les deux, dit-elle à mi-voix à Swann. Il n’y a qu’une maman qui soit digne de vous comprendre. Je suis sûre que la sienne serait de mon avis. » Nous nous assîmes tous autour de la table de fer. J’aurais voulu ne pas penser aux heures d’angoisse que je passerais ce soir seul dans ma chambre sans pouvoir m’endormir ; je tâchais de me persuader qu’elles n’avaient aucune importance, puisque je les aurais oubliées demain matin, de m’attacher à des idées d’avenir qui auraient dû me conduire comme sur un pont au delà de l’abîme prochain qui m’effrayait. Mais mon esprit tendu par ma préoccupation, rendu convexe comme le regard que je dardais sur ma mère, ne se laissait pénétrer par aucune impression étrangère. Les pensées entraient bien en lui, mais à condition de laisser dehors tout élément de beauté ou simplement de drôlerie qui m’eût touché ou distrait. Comme un malade grâce à un anesthésique assiste avec une pleine lucidité à l’opération qu’on pratique sur lui, mais sans rien sentir, je pouvais me réciter des vers que j’aimais ou observer les efforts que mon grand-père faisait pour parler à Swann du duc d’Audiffret-Pasquier, sans que les premiers me fissent éprouver aucune émotion, les seconds aucune gaîté. Ces efforts furent infructueux. À peine mon grand-père eut-il posé à Swann une question relative à cet orateur qu’une des sœurs de ma grand’mère aux oreilles de qui cette question résonna comme un silence profond mais intempestif et qu’il était poli de rompre, interpella l’autre : « Imagine-toi, Céline, que j’ai fait la connaissance d’une jeune institutrice suédoise qui m’a donné sur les coopératives dans les pays scandinaves des détails tout ce qu’il y a de plus intéressants. Il faudra qu’elle vienne dîner ici un soir. » — « Je crois bien ! répondit sa sœur Flora, mais je n’ai pas perdu mon temps non plus. J’ai rencontré M. Vinteuil, un vieux savant qui connaît beaucoup Maubant, et à qui Maubant a expliqué dans le plus grand détail comment il s’y prend pour composer un rôle. C’est tout ce qu’il y a de plus intéressant. C’est un voisin de M. Vinteuil, je n’en savais rien ; et il est très aimable. » — « Il n’y a pas que M. Vinteuil qui ait des voisins aimables », s’écria ma tante Céline d’une voix que la timidité rendait forte et la préméditation factice, tout en jetant sur Swann ce qu’elle appelait un regard significatif. En même temps ma tante Flora qui avait compris que cette phrase était le remerciement de Céline pour le vin d’Asti, regardait également Swann avec un air mêlé de congratulation et d’ironie, soit simplement pour souligner le trait d’esprit de sa sœur, soit qu’elle enviât Swann de l’avoir inspiré, soit qu’elle ne pût s’empêcher de se moquer de lui parce qu’elle le croyait sur la sellette. « Je crois qu’on pourra réussir à avoir ce monsieur à dîner, continua Flora ; quand on le met sur Maubant ou sur Mme Materna, il parle des heures sans s’arrêter. » — « Ce doit être délicieux », soupira mon grand-père dans l’esprit de qui la nature avait malheureusement aussi complètement omis d’inclure la possibilité de s’intéresser passionnément aux coopératives suédoises ou à la composition des rôles de Maubant, qu’elle avait oublié de fournir celui des sœurs de ma grand’mère du petit grain de sel qu’il faut ajouter soi-même, pour y trouver quelque saveur, à un récit sur la vie intime de Molé ou du comte de Paris. « Tenez, dit Swann à mon grand-père, ce que je vais vous dire a plus de rapports que cela n’en a l’air avec ce que vous me demandiez, car sur certains points les choses n’ont pas énormément changé. Je relisais ce matin dans Saint-Simon quelque chose qui vous aurait amusé. C’est dans le volume sur son ambassade d’Espagne ; ce n’est pas un des meilleurs, ce n’est guère qu’un journal merveilleusement écrit, ce qui fait déjà une première différence avec les assommants journaux que nous nous croyons obligés de lire matin et soir. » — « Je ne suis pas de votre avis, il y a des jours où la lecture des journaux me semble fort agréable… », interrompit ma tante Flora, pour montrer qu’elle avait lu la phrase sur le Corot de Swann dans le Figaro. « Quand ils parlent de choses ou de gens qui nous intéressent ! » enchérit ma tante Céline. « Je ne dis pas non, répondit Swann étonné. Ce que je reproche aux journaux, c’est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles. Du moment que nous déchirons fiévreusement chaque matin la bande du journal, alors on devrait changer les choses et mettre dans le journal, moi je ne sais pas, les… Pensées de Pascal ! (il détacha ce mot d’un ton d’emphase ironique pour ne pas avoir l’air pédant). Et c’est dans le volume doré sur tranches que nous n’ouvrons qu’une fois tous les dix ans, ajouta-t-il en témoignant pour les choses mondaines ce dédain qu’affectent certains hommes du monde, que nous lirions que la reine de Grèce est allée à Cannes ou que la princesse de Léon a donné un bal costumé. Comme cela la juste proportion serait rétablie. » Mais regrettant de s’être laissé aller à parler même légèrement de choses sérieuses : « Nous avons une bien belle conversation, dit-il ironiquement, je ne sais pas pourquoi nous abordons ces « sommets », et se tournant vers mon grand-père : « Donc Saint-Simon raconte que Maulevrier avait eu l’audace de tendre la main à ses fils. Vous savez, c’est ce Maulevrier dont il dit : « Jamais je ne vis dans cette épaisse bouteille que de l’humeur, de la grossièreté et des sottises. » — « Épaisses ou non, je connais des bouteilles où il y a tout autre chose », dit vivement Flora, qui tenait à avoir remercié Swann elle aussi, car le présent de vin d’Asti s’adressait aux deux. Céline se mit à rire. Swann interloqué reprit : « Je ne sais si ce fut ignorance ou panneau, écrit Saint-Simon, il voulut donner la main à mes enfants. Je m’en aperçus assez tôt pour l’en empêcher. » Mon grand-père s’extasiait déjà sur « ignorance ou panneau », mais Mlle Céline, chez qui le nom de Saint-Simon — un littérateur — avait empêché l’anesthésie complète des facultés auditives, s’indignait déjà : « Comment ? vous admirez cela ? Eh bien ! c’est du joli ! Mais qu’est-ce que cela peut vouloir dire ; est-ce qu’un homme n’est pas autant qu’un autre ? Qu’est-ce que cela peut faire qu’il soit duc ou cocher s’il a de l’intelligence et du cœur ? Il avait une belle manière d’élever ses enfants, votre Saint-Simon, s’il ne leur disait pas de donner la main à tous les honnêtes gens. Mais c’est abominable, tout simplement. Et vous osez citer cela ? » Et mon grand-père navré, sentant l’impossibilité, devant cette obstruction, de chercher à faire raconter à Swann les histoires qui l’eussent amusé, disait à voix basse à maman : « Rappelle-moi donc le vers que tu m’as appris et qui me soulage tant dans ces moments-là. Ah ! oui : « Seigneur, que de vertus vous nous faites haïr ! » Ah ! comme c’est bien ! »

我们当中只有一个人把斯万的来访当作痛苦的心事,那就是我。因为每当有外人来访,或者只有斯万一人作客,晚上妈妈就不到楼上我的卧室里来同我道晚安了。我总比别人先吃晚饭,然后坐在桌子旁边;一到八点钟,我就该上楼了。我只能把妈妈通常在我入睡时到我床前来给我的那既可贵又纤弱的一吻,从餐厅一直带进卧室;我脱衣裳的时候,还得格外小心,免得破坏那一吻的柔情,免得它稍纵即逝的功效轻易消散化为乌有。所以,越是遇到那样的晚上,我受妈妈一吻时就越有必要小心翼翼。但是,我又得当着众人的面,匆匆忙忙地接过那一吻,抢走那一吻,甚至没有足够的时间和必要的空闲对我的举止给以专心致志的关注:好比头脑不健全的人在关门的时候尽量不去想别的事情,以便疑惑袭来时用关门时留下的回忆来战胜它。门铃怯怯地响起丁冬两声,那时我们都在花园里休息。我们知道是斯万来访;但是人人都带着疑问的表情面面相觑,并派遣我的外祖母前去侦察。 别忘了,用明确的话感谢他送了酒来。你们也都知道,酒味很醇正,而且有一大箱,外祖父叮嘱两位姨祖母说。 你们又说悄悄话了,姨祖母训斥道,要是上谁家去,听到人家在窃窃私语,多不自在!”“啊!敢情是斯万先生吧!咱们呆会儿问问他,明天是不是大晴天,我的父亲说。我的母亲认为,她若一开口就会把我们全家自从斯万结婚以来可能在态度上使他感到的难堪统统消除。她找了一个空档,乘机把斯万领到一边。但是我跟在她后面,我舍不得离开她一步,心里想,呆会儿我要把她留在饭厅里了,我上楼去睡觉不能象每天晚上那样得到她亲一亲的慰藉了。哎,斯万先生,母亲说,您女儿好吗?我相信她一定象她爸爸那样。已经能鉴赏出色的艺术作品了。这时我的外祖父走过来,说:快来呀,同我们一起坐到游廊里来。母亲只得把话打住,但是她从无可奈何中又萌生一个微妙的念头,好比优秀的诗人让蛮横的韵律逼出最美的诗句,呆会儿咱们俩单独说说您女儿的近况吧,我的母亲悄声对斯万说,只有当母亲的才体会得到您的苦心。我相信她妈妈也一定会同意我的看法的。

我们全都围坐在铁桌的四周。我真不愿意想到今天晚上我将无法入睡,独自熬过苦闷的长夜;我尽量说服自己,那些失眠的时刻没有什么了不起,因为明天一早我就会忘记得干干净净;我尽量让自己想到未来,这样,我就能象踏上桥梁似的越过令人心寒的深渊。但是我的思想跟集中了焦点的目光那样被心事绷得很紧,我全神贯注在母亲的身上,容不得半点无关的印象钻进我的心房。各种思想确实都能闯进我的脑海,但是,一切有可能扣动我心扉的美,或者干脆只是可能转移我的注意力的怪念头,统统都被我排斥在我的心扉之外,就象上了麻药的病人,医生给他动手术时他心里一清二楚,只是不感到疼;我也照样能背诵我喜爱的诗,照样能观察到我的外祖父为了诱导斯万谈及奥迪弗雷-巴斯基埃公爵而作出的种种努力,但是背诵的诗句并不能激起我的感情,观察外祖父的举止也不能使我开心。外祖父的努力终于毫无成效。他刚向斯万提到一个与他有关的问题,我的一位姨祖母马上觉得提得不合时宜,等于造成冷场,而她认为只有打破冷场的尴尬局面才是符合礼貌的行为,于是就对另一位姨祖母说:你倒是想想看,弗洛拉,我认识一位瑞典女教师,她把有关斯堪的纳维亚国家合作社的最最有趣的细节,向我作了详细的介绍。咱们应该请她哪天来吃顿晚饭。”——“对了!她的姐姐弗洛拉回答说,不过我也没有白浪费时间。我在凡德伊先生家遇到了一位德高望重的学者,他跟莫邦很熟,莫邦向他详谈了创造角色的过程。这多有意思。他是凡德伊先生的邻居,我本来不知道!他非常彬彬有礼。” “只有凡德伊先生才有彬彬有礼的芳邻,我的姨祖母赛莉纳高声接口道。由于她胆小怕羞,所以声音特别尖;更由于她深思熟虑,语气显得很不自然。她一面说,一面——用她自己的话说——有意朝斯万那边望了一眼,与此同时,我的姨祖母弗洛拉听出赛莉纳的弦外之音是对斯万送来阿斯蒂葡萄酒表示感谢,所以也望了斯万一眼,那神情既有感谢之意,又带点挖苦,也许她不过是想强调她的妹妹的措辞巧妙,也许她嫉妒斯万居然使她的妹妹如此开窍,善于辞令,更也许她情不自禁地要挖苦斯万几句,因为在她看来斯万已穷于对答了。我看,咱们可以请那位先生屈趾光临,来用晚餐的,弗洛拉接下去说,只要一提到莫邦或者马特纳夫人,他准能一气儿连谈几个钟头。”“那才动人呐,我的外祖父叹了一口气说;他心想,大自然已经不幸地、彻底地排除了人们对瑞典合作社或者莫邦创造角色之类的问题产生浓厚兴趣的可能性,因为它忘了为我的两位姨祖母的才情增添一点佐料;若要把莫莱或者巴黎伯爵的私生活讲得有滋有味,就得添油加醋。既然说到这里,斯万对我的外祖父说,我下面要说的倒跟您问我的问题很有关系,虽然表面上看并不相干,但从某些方面看,其实并无太大的不同。今天上午,我重读了圣西门的著作,其中有几句话您或许会觉得有点意思。那是有关他出使西班牙的那一卷;在他的全集中,那一卷写得并不出色,只是一本日记罢了,但作为日记,至少写得非常生动;仅就这一点而论,就同我们认为每天非看不可的乏味的报纸有所区别。”——“我不同意您的看法,有时候我觉得看报令人非常高兴,我的姨祖母弗洛拉打断了斯万的话,以此来表示她已经在《费加罗报》上看到了那句注解,说明柯罗的哪幅油画是由斯万所收藏的。姨祖母赛莉纳连忙补充道:就是说,当报纸上提到我们所关心的人和事的时候。倒也是,斯万不免感到意外,答道,我之所以说报纸不好,是因为报上天天让咱们去注意那些无聊的小事,而咱们一生中难得三四回读到含英咀华的好书,既然咱们天天早晨要急于看报,那么他们就应当把报纸办得好一些,增加一些内容,我不知道怎么说才好……比如说,来一点帕斯卡尔《思想集》之类的文章!(他故意调侃似地把《思想集》三字说得夸张其辞,以免显得学究气)那种切口烫金的精装书,咱们每隔十年不过翻上一回,他补充一句,象有些社交界人士装得愤世嫉俗,对富丽堂皇的东西不屑一顾似的,书里咱们又读到些什么?无非是希腊王后幸驾戛纳,莱昂公主举办化妆舞会,好象只有这样才合乎规矩。说到这里,他又后悔失言,把正经事说得过于轻佻。他解嘲似地接着说道:咱们的话题太高雅了,我不明白为什么咱们要谈论这样高深的尖端这时,他转身对我的外祖父说:还是说圣西门吧。书里说莫莱夫里埃居然有胆量向他的儿子们伸手。您知道,关于这位莫莱夫里埃,圣西门是这么说的:他简直象只厚壁酒瓶,里面只有起码的水份,粗俗而愚蠢”——弗洛拉赶紧插话道:酒瓶有薄有厚,我倒是知道有些瓶子里装着完全不同的东西。她想乘机谢谢斯万,因为那箱阿斯蒂葡萄酒,斯万是送给她们姐妹俩的。斯万一时十分尴尬,硬着头皮往下说:圣西门是这样写的:我不知道他是无知呢还是存心犯傻,他居然想伸过手去,同我的孩子们握手,我幸亏及时发觉,没有让他得逞。’”我的外祖父对于无知呢还是存心犯傻这种说法佩服得五体投地,可是赛莉纳小姐,由于圣西门这么一位文学家的大名没有让她的听觉功能完全沉入麻痹状态,听到这话顿时义愤填膺:什么?您居然钦佩这样的描写?好!不过,这能说明什么问题?难道同样是人,这个人就不如那个人吗?人只要聪明、勇敢、善良,公爵也罢,马夫也罢,有什么关系?您的圣西门倒好,居然教他的儿子们不理睬正派人的友好表示,这也算教子有方?简直恶心!您居然敢引为经典!我的外祖父眼看谈话遇到这么多的障碍,非常扫兴,感到已不可能诱导斯万讲点他爱听的故事了,于是悄声对我的妈妈说:上次你告诉我的那句诗是怎么说来着?碰到眼前这种情况,倒可以让我舒一口气。你提个头吧,啊,想起来了:主啊,有多少美德您教我们憎恨!唉,说得真好啊!”——

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